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ATTENTION : article pour public averti

SÉRIE :
Un Samedi érotique
Épisode 1 : des fresques coquines

Et si 2021 était une année érotique ? Depuis des siècles les arts se nourrissent des fantasmes les plus profonds du genre humain, de ses canons anatomiques, de ses pulsions et de son pouvoir de séduction. La Palette Dorée, produit par HASHT-ART propose chaque samedi de partir à la découverte de ce monde parallèle dans lequel nous aimons tant nous perdre. Vous pourrez intimement ou publiquement apprécier les formes et la luxure des œuvres d’art, ses scandales et ses chef-d’œuvres.

Publié le 09 Janvier 2021 par Sophie Mahon

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Satyre et nymphe (détail)

Mosaïque romaine  provenant d'une chambre (cubiculum) de la maison du faune à Pompéi

Museo Archeologico Nazionale, Naples, Italie

Il m'est impossible de ne pas commencer cette série sans parler de l'Art érotique sous l'Antiquité. Constamment reprises dans des films, livres et clips vidéos, cette période est dans l'imagerie populaire celle des grands banquets se transformant en fin de soirée en orgie, des danseuses à la tenue légère, les lupanars perdus de Pompéi, etc. Partons à la découverte de cette période sulfureuse de l'Histoire de l'art et des civilisations.

La place du Sexe dans l'Antiquité

Le terme « pornographie » est d'origine grecque. Il est composé de graphein (« écrire » ou « dessiner ») et de porné (« prostituée »). D'un point de vue étymologique, est pornographique la représentation d'esclaves sexuels ou de prostituées, en action, soumis à des pénétrations. 

Chez les Anciens, contrairement à notre époque, le Sexe n'était pas un tabou. Selon Virginie Girod, historienne et auteure de l'essai Les femmes et le sexe dans la Rome Antique, « l'obscénité, sous la forme d'images ou de mots, pouvait revêtir des sens bien différents dans l'Antiquité. Ce qui est perçu comme obscène aujourd'hui pouvait alors avoir une valeur prophylactique ou cathartique ». L'obscénité n'existe pas en elle-même, c'est d'abord un regard, une représentation sociale. Un riche citoyen de Rome pouvait orner les murs de sa villa de scènes sexuelles sans pour autant être considéré comme un pervers. Nous pouvions aussi trouver des scènes érotiques parfois dans des petits salons ou boudoirs privés, gardés jalousement à l'abri des regards, comme L'origine du Monde de Gustave Courbet au XIXème siècle, une toile représentant un sexe féminin, cachée derrière un rideau dans le cabinet du psychiatre Jacques Lacan. Il s'agissait d'un décor comme un autre chez les Romains. Ça vous semble surprenant ? Dans l'Antiquité ça ne l'était pas du tout. Et pourtant, même au XXIème siècle, nous ne pouvons pas nous empêcher de les regarder, par fantasme, curiosité ou gêne. 

 

Pompéi, la ville sulfureuse

Le meilleur exemple se trouve à Pompéi, aux pieds du volcan du Vésuve en Italie. Ravagée par son éruption en 79, la ville abrite aujourd'hui des vestiges de ce qu'était la vie quotidienne au temps des Romains. De nombreuses fresques et mosaïques sont restées dans leur jus, certaines sont aujourd'hui exposées au Musée Archéologique de Naples. À en juger à partir des nombreuses peintures, fresques et mosaïques, la ville pourrait faire penser à un vaste bordel. Certes, les archéologues ont trouvé un lupanar décoré de tableaux pornographiques, mais aussi beaucoup de riches, exposant des sujets lascifs aux yeux de tous, résidents et invités.

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Plusieurs fresques retrouvées sur le site archéologique

de Pompéi révèlent des motifs pornographiques.

Cette peinture, datée du Ier siècle apr. J.-C., présente

ainsi un couple dans un moment très intime.

© DR

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Fresque d'un couple à Pompéi

©  Wikimedia Commons

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Triolisme, fresque des thermes suburbains, à Pompéi

©  Wikimedia Commons

À Pompéi, le sexe était omniprésent. Rares étaient les demeures qui ne possédaient pas leurs peintures érotiques, sans compter les nombreuses tavernes, les thermes publics ou encore les lupanars, abondamment décorés d'images très explicites. 

Mise en pratique

La pratique du Sexe sous l'Antiquité illustre bien la pensée de l'époque, et a par ailleurs inspiré nos pratiques actuelles. Pour les Romains, le baiser suave était un préliminaire essentiel. Les hommes aimaient embrasser les prostituées sur la bouche, contrairement aux futures pratiques occidentales qui suivront. Cet art servait également à l'expression de la morale sexuelle du moment. En matière de Sexe, les Romains distinguaient le licite et l'illicite. La sexualité était liée à des règles très strictes qui imposaient des comportements déterminés par le statut social de chaque personne.

La fellation :

« Une épouse légitime et née libre n'avait pas à pratiquer la fellation », rappelle l'historienne Virginie Girod dans son livre sur la sexualité des Romaines. Pour ce type de plaisir, les maîtres exploitaient leurs esclaves, filles ou garçons. La fellatrice comme le fellateur appartenaient à une condition sociale inférieure à leur partenaire, selon les codes de l'époque. Les pauvres, voire les esclaves, devaient se contenter des « louves », c'est-à-dire des prostituées dans les lupanars et les tavernes.

 

Des graffitis, laissés sur les murs de ces lieux de prostitution, témoignent du succès de certaines ou, au contraire, de l'insatisfaction de clients s'estimant mal servis. « Sabina, tu fais des fellations, mais tu ne les fais pas bien », écrivit un homme déçu. Les graffitis nous renseignent aussi sur les tarifs particulièrement bas de ces prestations considérées comme banales: 2 as (c'est-à-dire deux pièces de bronze seulement) pour une fellation rapide dans l'arrière-boutique d'une taverne. Le même prix qu'un repas pris sur le pouce. Sans doute l'équivalent aujourd'hui de 6 ou 8 euros.

Le cheval érotique :

L'une des poses les plus représentées est le « cheval érotique » ou equus eroticus, en latin. De quoi il s'agit ? La femme chevauche l'homme confortablement étendu sous elle. Il existe plusieurs versions de cette pose : la femme est agenouillée ou bien accroupie, en équilibre sur ses jambes; ce qui facilite les mouvements de son bas-ventre. Pour ne pas tomber en avant, elle prend parfois appui sur la tête de son partenaire. Autre variante: elle tourne le dos à l'homme et place ses mains sur ses genoux afin de bien conserver l'équilibre durant ses va-et-vient.

Le cunnilingus :

Le cunnilingus, à ce que nous pourrions croire, était considéré comme dégradant s'il était pratiqué par un homme important. C'était d'ailleurs, à l'époque, l'une des pires insultes pour un citoyen romain. Sur une mosaïque des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, nous pouvions lire à l'époque l'inscription latine « statio cunnulingiorum », c'est-à-dire « le coin des lécheurs de vagins ». S'agissait-il d'une expression humoristique destinée à faire rire les clients, ou bien désignait-elle la pièce où des prostitués vendaient les services de leur langue ? Cela reste un mystère.

Levrette et Sodomie :

En général, le coït vaginal était pratiqué dans le cadre conjugal, le but du mariage étant de faire des enfants. Les prostituées, elles, devaient privilégier la sodomie. Elles évitaient ainsi de tomber enceintes et de se retrouver indisponibles pendant de longs mois.

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Fresque des thermes suburbains à Pompéi

©  Wikimedia Commons

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La pose du « cheval érotique »

Fresque du lupanar de Pompéi

©  Wikimedia Commons

Et le consentement dans tout ça ?

Interpréter les fresques de Pompéi comme des représentations d'une sexualité épanouie et sans complexe serait un contresens. On n'y trouve pas l'éloge de l'amour libre mais des pratiques dictées par une morale sexuelle contraignante. Le plaisir partagé entre deux amants consentants n'est guère mis à l'honneur. L'art érotique vante surtout la satisfaction, vue comme légitime, de personnes dominantes qui exploitent les jouets sexuels vivants, mis à leur disposition par la prostitution et l'esclavage.

Le citoyen romain dominant devait jouer un rôle perçu comme viril, sans quoi il était condamné par ses pairs. Les rapports sexuels impliquaient des relations de pouvoir entre dominants (citoyens romains, parfois riches maîtresses de maison) et dominés (esclaves, prostituées), même si l'opposition entre passivité et activité n'est pas pertinente. En effet, une prostituée, femme dominée par excellence, pouvait se montrer très active physiquement, notamment lorsqu'elle chevauchait son client.

De l'Art érotique dans l'Antiquité, retenons avant-tout l'idée même de représentation, à la fois des pratiques sexuelles, de la perception du Sexe, mais aussi des statuts sociaux réglementés entre citoyens. Et reprenons notre oeil du XXIème siècle pour simplement apprécier ces fresques coquines.

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