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ATTENTION : article pour public averti

SÉRIE :
Un Samedi érotique
Épisode 4 : L'orgasme d'une sainte

Et si 2021 était une année érotique ? Depuis des siècles les arts se nourrissent des fantasmes les plus profonds du genre humain, de ses canons anatomiques, de ses pulsions et de son pouvoir de séduction. La Palette Dorée, produit par HASHT-ART propose chaque samedi de partir à la découverte de ce monde parallèle dans lequel nous aimons tant nous perdre. Vous pourrez intimement ou publiquement apprécier les formes et la luxure des œuvres d’art, ses scandales et ses chef-d’œuvres.

Publié le 30 Janvier 2021 par Sophie Mahon

bernin_therese_extase.jpg

L'Extase de Sainte Thérèse (détail), 1647-1652, marbre

Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin (1598-1680)

Église Santa Maria Della Vittoria de Rome, Italie

Crédits photos : © Philippe Sollers

C'est sans doute une des oeuvres baroques les plus célèbres. Non seulement pour son créateur, Le Bernin, surnommé Le Second Michel-Ange (nous lui devons d'ailleurs la grande colonnade de la place Saint Pierre au Vatican), pour le travail du marbre et du mouvement. Mais c'est aussi une des oeuvres religieuses les plus polémiques de l'Histoire de l'Art. Depuis des siècles, les historiens de l'Art ne cessent de se poser la même question : la sculpture du Bernin est-elle spirituelle ou sexuelle ?

Orgasme sur un nuage

La scène semble théâtrale : une carmélite, la bouche grande ouverte, s'abandonne sur un nuage à un ange qui, soulevant d'un fin sourire sa robe, s'apprête à planter une flèche dans son coeur. Jacques Lacan, grand psychiatre français du début du XXème siècle écrivait à son sujet : "Vous n'avez qu'à aller regarder à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite qu'elle jouit [...]. Et de quoi jouit-elle ? Il est clair que le témoignage essentiel des mystiques, c'est justement de dire qu'ils éprouvent mais qu'ils n'en savent rien. Ces éjaculations mystiques [...], c'est en somme ce qu'on peut lire de mieux [...]. Cette jouissance qu'on éprouve et dont on ne sait rien, n'est-ce pas ce qu'il nous met sur la voie de l'existence ? Et pourquoi pas ne pas interpréter une face de l'Autre, la face de Dieu, comme supportée par la jouissance féminine ?" De quoi ne pas nous laisser, de marbre.

Une relation intense avec Dieu 

De cette analyse de Lacan, seuls les premiers mots furent retenus. Pourtant la suite de ses écrits témoigne d'une belle compréhension des enjeux de la sculpture du Bernin. Le sculpteur avait par ailleurs anticipé certaines réactions, et pour éviter un trop grand scandale avait entouré le groupe de la sainte et de l'ange par des personnages, dont le regard devait indiquer le sens extatique de l'oeuvre. De fait, l'extase était un phénomène que l'Église reconnaissait et craignait à la fois, tant il était source de malentendus. 

But ultime des exercices spirituels, la transverbération (ou extase). Il s'agissait d'un phénomène mystique, rarement mentionné, relevant de la tradition catholique. Ce terme désignait le transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé (d'amour). Elle était entendue comme la fusion complète avec Dieu, tel un mariage spirituel. Une union entre le corps imaginaire de l'amant et le corps imaginaire de l'aimé, comme une forme d'érotisme spirituel. 

Douleur exquise

Cette fusion mettait en jeu non seulement l'âme mais aussi le corps, dans un mélange de plaisir et de douleur, décrit par Sainte Thérèse d'Avila : "Il s'agit d'une sorte de blessure qui semble faite dans l'âme, comme si quelqu'un traversait d'une flèche le coeur ou bien l'âme. Il s'ensuit une douleur si vive qu'elle la fait gémir, mais en même temps si délicieuse que l'âme voudrait qu'elle ne cesse jamais". Une définition spirituelle du Sadomasochisme ? Sans doute. 

Un dépucelage en direct

D'autres historiens virent en cette sculpture une allusion à la perte de la Virginité. Même si ce n'est pas mentionné dans les écrits de Sainte Thérèse d'Avila, nous pourrions interpréter cette oeuvre comme le passage à l'acte sexuel, quelques secondes avant. Un déflorage entre douleur et plaisir, avec la pointe de la flèche en symbole phallique masculin. 

Aujourd'hui, même si cette oeuvre mystique du Bernin fait toujours couler beaucoup d'encre, le spectateur est libre d'interpréter ce qu'il voit, et de s'extasier à son tour.

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